Kostadinov crucifiait la France il y a 30 ans : “Ce but a bouleversé ma vie”, se souvient le Bulgare
L’attaquant a marqué à la fin du temps réglementaire, permettant à la Bulgarie de damer le pion à la France et de se qualifier pour la World Cup 1994.
- Publié le 17-11-2023 à 06h50
”Ce but a bouleversé ma vie en tant que joueur professionnel, mais surtout en tant qu’homme, racontait Emil Kostadinov à France Football, l’été dernier. Tout a changé après, les regards sur moi étaient différents. Oui, c’est un match fondamental dans ma vie.”
Flash-back. Nous sommes le 17 novembre 1993. La Belgique valide dans la douleur sa qualification pour la Coupe du monde aux États-Unis, après l’exclusion de Philippe Albert, face à la Tchécoslovaquie, qui dispute à cette occasion son tout dernier match. À peine le temps de se réjouir que les téléspectateurs belges zappent sur TF1, histoire de voir ce qu’il se passe pour les Bleus, qui n’ont besoin que d’un nul face à la Bulgarie. La France n’est qu’à quelques secondes de la validation de ton ticket. Il suffit de jouer à la ba-balle, dans la partie de terrain adverse. Il ne reste alors que 20 secondes dans le temps réglementaire.
Je me souviens d'un stade silencieux comme une cathédrale.
Les hommes de Gérard Houllier ont un coup franc à jouer au poteau de corner bulgare. Autant dire que c’est gagné. Mais David Ginola décide de délivrer un long centre vers le grand rectangle. Un Bulgare récupère le cuir. En 13 secondes, Emil Kostadinov ne loupe pas l’occasion de crucifier Bernard Lama d’une patate qui reste dans les mémoires. La France restera à quai, alors que la Bulgarie, emmenée par Stoichkov, atteindra les demi-finales du Mondial américain. “Je reçois l’ouverture de “Lioubo” Penev. On a tout vécu ensemble, c’était comme mon frère, se souvient Kostadinov. Mon appel, si on regarde bien, je le fais à l’aveugle. On se connaissait par cœur. C’est pour ça que le football est aussi beau. Ma frappe, sur le papier, est impossible à mettre sous la barre. Il y avait une chance sur un million de marquer comme ça. C’était le bon jour pour parier, je dois dire. […] Je me souviens d’un stade silencieux comme une cathédrale.”
Et dire que ce but a bien failli ne jamais arriver. Son visa expiré pour la France, Kostadinov passe illégalement la frontière en voiture, avec son équipier Liouboslav Penev, avant de récupérer son précieux sésame plus tard. En attendant, c’est déjà Kostadinov qui avait répondu au but d’ouverture de Cantona ce fameux soir du 17 novembre 1993. “Les Français étaient très stressés après l’égalisation, on a tous senti qu’on était un niveau au-dessus. On était donc super confiants en rentrant au vestiaire”, a raconté l’attaquant, passé par le Bayern, qui a terminé 8e du Ballon d’or 1993. “Mon but a grandement aidé à ce que j’intègre ce classement.”
David Ginola a commis un crime contre l'équipe.
La France est incrédule, hébétée, dévastée. Le sélectionneur, Gérard Houllier, s’en prend violemment à David Ginola, déclencheur involontaire de la contre-attaque meurtrière pour le football français. “Je pense que David Ginola a commis un crime contre l’équipe, je répète, un crime contre l’équipe, dira celui qui est décédé en 2020, avant de rendre sa démission. J’ai dit qu’il a commis quelque part un crime contre la cohésion et l’esprit d’équipe. À partir du moment où un joueur ne respecte pas l’esprit du groupe, ne respecte pas la solidarité du groupe, ou la menace, à un moment aussi important que celui-là, je dis c’est grave, c’est tout.”
”Je ne pense pas que la défaite de la France soit imputable à Ginola, reprend Kostadinov. C’est toute l’équipe qui est responsable. S’ils ne s’étaient pas repliés pour tenter de conserver le match nul, ce ne serait pas arrivé.”
Le temps a en tout cas permis aux Bleus de panser leurs plaies. Les Mondiaux de 1998 et 2018 ont également joué leur rôle, évidemment. Emil Kostadinov (56 ans depuis le 12 août) est, lui, devenu directeur technique national de la Bulgarie. “Maintenant, on me parle moins de ce but en Bulgarie, assurait-il dans l’Équipe, en 2016. Mais dès que je me rends à l’étranger, c’est systématique.”
N’en déplaise aux nombreux esprits chagrins : les Bleus ont sans doute puisé dans ce soir du 17 novembre la force et la motivation pour remporter leur première Coupe du monde, cinq ans plus tard, à domicile. Avant de récidiver en 2018. “Au cours des années suivant ce match, la France a trouvé la solution pour rendre son équipe championne du monde et d’Europe (en 2000), expliquait Kostadinov en 2017. Les échecs peuvent servir, et les dirigeants du foot français ont pris les bonnes décisions. D’une certaine façon, nous avons contribué au développement du foot français…”